GUY ROUQUET S'ENTRETIENT AVEC MICHEL MARCHAL



GUY ROUQUET S'ENTRETIENT AVEC MICHEL MARCHAL

L'Atelier Imaginaire suscite bien des interrogations que le Magazine Atlantica, par l'entremise de son collaborateur Michel Marchal, a exprimées à Guy Rouquet. Le texte de cet entretien est publié dans le numéro de mars 1999 de la revue dirigée par Jacques Chancel et Jacques Darrigrand. (1)

L'Atelier Imaginaire est un nom magique. Comment vous est-il venu?

     Pour partie d'un beau titre de Malraux, de son ouvrage Le Musée imaginaire; pour partie de L'Atelier, le théâtre de Charles Dullin dont Jacques Dufilho m'a beaucoup parlé en son temps. Il faut dire que la passion du théâtre ne m'a jamais quitté, même si les circonstances m'ont conduit à creuser d'autres sillons. Il faut songer aussi aux grands ateliers de la Renaissance où une espérance nouvelle, illuminant le cœur des artistes, les poussait à se vouloir citoyens du monde. Mais d'autres ateliers m'ont inspiré, à commencer par celui des imprimeurs. Pour les artisans du rêve, l'atelier imaginaire est une évidence. Qu'il finisse par avoir pignon sur rue est accessoire. L'Atelier Imaginaire est d'abord un état d'esprit, une manière de penser sa relation au monde, aux autres et à la beauté. De la penser et d'en faire une réalité exaltante.

Pourquoi avez-vous choisi le nom emblématique de Prométhée pour qualifier le prix destiné aux conteurs et nouvellistes?

     Ce nom s'est imposé très vite à mon esprit dès lors que, pour éviter toute confusion, l'appellation "Grand prix de la Ville de Lourdes" m'était interdite. M'adressant aussi bien à celui qui croit au ciel qu'à celui qui n'y croit pas, Prométhée me parlait d'espoir. Un pareil message n'est pas en rupture avec celui que diffuse la cité mariale. Quelque part le rocher de Massabielle et le rocher du Caucase se rejoignent. "Tout ce qui monte converge" disait le R.P Teilhard de Chardin. Le feu de Prométhée éclaire la nuit. "Les écrivains de l'ombre" auraient une lumière vers laquelle se diriger. Je n'oublie pas le supplice non plus; je savais que mon entreprise me vaudrait bien des tourments et sacrifices.

Et celui de Max-Pol Fouchet pour le concours de poésie?

     Max-Pol Fouchet a été le compagnon de la première heure. Sa générosité, son humanisme, sa curiosité universelle, son savoir encyclopédique n'étaient pas une légende. Son enthousiasme stimula le mien. Il n'a cessé de répondre à mes appels comme de me donner des marques de son estime et de sa confiance. A l'annonce de sa mort, en août 1980, j'ai su aussitôt ce que j'avais à faire. Puisque Max-Pol se disait "marié à la poésie", il me fallait perpétuer sa mémoire à travers un prix conçu dans le même esprit que celui du prix Prométhée dont il avait souligné, en maintes occasions, les mérites et les vertus. Sait-on assez que le bureau de Max-Pol Fouchet était encombré de manuscrits adressés par de jeunes poètes qui savaient pouvoir compter sur son dévouement éclairé? D'emblée quelques-uns des meilleurs amis de Max-Pol m'ont aidé à prendre la relève : Georges-Emmanuel Clancier, Robert Mallet, Yves Berger, Jean Orizet, Charles Le Quintrec...

 

Max-Pol Fouchet,
Max-Pol Fouchet, "professeur d'enthousiasme" (1974)

La France foisonne de prix littéraires. Quelle est l'originalité des prix Prométhée et Max-Pol Fouchet?

     Quand j'ai créé le prix Prométhée en 1974, j'ignorais qu'il existait plus de mille prix littéraires en France. Qu'il soit près de deux mille aujourd'hui n'altère en aucune façon leur originalité foncière. Une originalité d'ailleurs sans cesse soulignée par les observateurs. Je me bornerai à mettre en évidence trois points : les prix sont décernés sur manuscrit; les lauréats sont désignés au terme d'un long processus de sélection qui, en toute circonstance, respecte l'anonymat des participants; les œuvres primées sont publiées par un grand éditeur. En d'autres termes, ces prix, qui présentent aussi la particularité d'être remis au sud de la Loire par des jurys internationaux prestigieux, sont attribués dans des conditions d'honnêteté absolue. Il est devenu commun de dire que ces prix pas comme les autres sont au-dessus de tout soupçon.

 

Jean-Philippe Katz et Colette Nys-Mazure à l
Jean-Philippe Katz et Colette Nys-Mazure à l'issue de la remise des Prix (1996).

Quelle place occupent ces prix dans le monde littéraire francophone?

     Etant juge et partie, il m'est difficile de répondre à une pareille question. La qualité des jurés, leur nombre, leur diversité, leur fidélité peuvent fournir cependant un premier élément de réponse. Le rayonnement des prix et celui des jurys sont étroitement liés. Le fait que ces prix s'inscrivent dans la durée et qu'ils ont permis de détecter de nouveaux talents, de mettre en pleine lumière des "écrivains de l'ombre", qui, pour la plupart, ont continué à s'exprimer et à s'épanouir dans l'écriture après avoir été remarqués, ajoute à leur réputation. En France, en Belgique, en Suisse et au Québec, les revues et magazines consacrées à la nouvelle et à la poésie rendent très largement compte des ouvrages primés. La moisson d'automne est toujours attendue avec curiosité et impatience. Il n'est pas jusqu'aux éditeurs à me faire part de leur satisfaction. Pour autant ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Il s'agit de poésie et de nouvelle; en termes économiques, le marché est étroit. Mais dans ce marché les prix Prométhée et Max-Pol Fouchet occupent la toute première place dans leur catégorie. C'est le fruit d'un travail et d'une exigence morale sans faille. Sans doute aussi de l'air pur des Pyrénées.

 

Guy Rouquet, Philippe Douste-Blazy et François Fortassin au moment de la signature de la convention triennale engagent l
Guy Rouquet, Philippe Douste-Blazy et François Fortassin au moment de la signature de la convention triennale engagent l'Etat, la Ville de Lourdes et le Conseil général des Hautes-Pyrénées (octobre 1996).

On comprend leur intérêt pour "un écrivain de l'ombre". Mais qu'apportent-ils de différent au lecteur?

     Avant tout le plaisir de la découverte. Une voie nouvelle, une petite musique singulière, un univers inconnu, ce n'est pas rien. Si le lecteur est bien pénétré de l'idée que les Prix Prométhée et Max-Pol Fouchet sont d'abord des prix de révélation et non de consécration, son attente ne sera pas déçue. Il lui arrivera même d'éprouver une jouissance subtile, celle de penser qu'il est parmi les tout premiers à s'aventurer dans une cité jusqu'alors interdite. Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu'avant d'être primés et donc édités les textes ont été appréciés par une bonne vingtaine de jurés c'est-à-dire de lecteurs qui, en fin de compte, ont tous pris la décision de vouloir faire partager leur plaisir au plus grand nombre. Est-il besoin de préciser que ces lecteurs se déterminent uniquement en fonction de leur préférence et non par rapport à des critères commerciaux? Les Editions du Rocher comme celles du Dé bleu se sont engagées à publier l'œuvre primée quelle qu'elle soit. Ce qui ne signifie nullement que le prix sera décerné à tout prix. Par exemple, cette année, le prix Prométhée n'a pas été attribué en raison du retrait de candidature du lauréat virtuel à la veille de la délibération des jurés internationaux. Remettre le prix à un autre finaliste eût été maladroit. D'où l'idée de publier un recueil collectif de nouvelles intitulé "L'Atelier Imaginaire " rassemblant des textes inédits d'auteurs confirmés, d'anciens lauréats et des deux autres meilleurs participants au concours. Inversement, il y avait abondance de biens dans le concours de poésie. Le jury international s'étant partagé en deux, j'ai suggéré que l'on attribue non seulement le prix Max-Pol Fouchet mais aussi un prix spécial du jury, le premier du genre. Les réponses budgétaires sont apportées par l'Atelier Imaginaire. N'oublions pas non plus cette donnée essentielle : chaque adhérent contribue par sa cotisation annuelle à l'édition des ouvrages primés. Adhérer à l'Atelier Imaginaire signifie quelque part que l'on souhaite ressentir ce plaisir différent auquel fait allusion votre question.

 

Guy Goffette à la question
Guy Goffette à la question

L'attribution de ces prix en octobre, à Lourdes, est mise en scène par de nombreuses rencontres littéraires dans divers lieux du département des Hautes-Pyrénées et de celui des Pyrénées-Atlantiques. Pourquoi?

     Jacques Chancel a très bien défini mon intention en faisant remarquer que l'une des originalités de ces prix était d'être "accompagnés". Pour ma part, j'ai été conduit à évoquer les poupées gigognes qui s'emboîtent si bien les unes dans les autres. Le secret est contenu dans la plus petite, celle que l'on découvre et ouvre au tout dernier moment. C'est en son sein que brûle le feu de Prométhée et de la poésie. Les autres ont davantage de volume et de surface; elles attirent le regard, piquent la curiosité, montrent les "compagnons de songes" de l'Atelier Imaginaire. Que ce soit dans le cadre des "rendez-vous de 17h30", dans les soirées se déroulant dans les bibliothèques, librairies ou centres culturels, dans les écoles, les collèges ou les lycées c'est toujours de poésie, de création littéraire et artistique qu'il s'agit. "Pourquoi venez-vous dans notre région?" demande-t-on à l'artiste. "Parce qu'il y la remise des prix Prométhée et Max-Pol Fouchet dimanche, à Lourdes" Toutes ces rencontres, c'est le fil rouge qui conduit à l'Atelier Imaginaire et à sa profonde raison d'être : les prix.

 

Jacques Chancel, Rachid Boudjedra et René de Obaldia (1997).
Jacques Chancel, Rachid Boudjedra et René de Obaldia (1997).

Les "animations" tournées vers les jeunes ont fait la renommée de la Décade littéraire. Quel lien établissent-elles avec les prix?

     La Décade est organisée à l'occasion de la remise des prix. Le lien est donc patent. Sans les prix, il n'y aurait point de Décade. L'idée de base est la suivante : quand j'ai créé le prix Prométhée, le professeur de lettres que j'étais et que je suis toujours s'est dit que les écrivains cautionnant le prix auraient peut-être du plaisir à dialoguer avec des jeunes gens. A l'âge où les influences sont décisives, de pareilles rencontres sont en mesure de donner des compagnons de route pour la vie. Que de vies changées par un livre ou un simple poème! La mienne ne l'avait-elle pas été en son temps, prenant une direction inattendue? Et c'est ainsi que j'ai commencé à organiser deux ou trois animations, puis une quinzaine, enfin une centaine aujourd'hui. Pour ce faire, j'ai été conduit à faire appel aussi à des comédiens, des musiciens, des plasticiens, des photographes… A l'origine seules les villes de Lourdes et de Tarbes étaient concernées; maintenant, dix jours durant, c'est une bonne trentaine de lieux et de milieux qui se trouvent "envahis" comme dirait Michaux. Près de quatre mille jeunes sont ainsi concernés chaque année. Que le feu sacré vienne féconder à jamais la vie d'une dizaine d'entre eux, et je serais heureux! Par expérience, je sais qu'ils sont bien davantage à être bouleversés par le spectacle de la beauté, la magie de la parole et l'authenticité du témoignage. De cette émotion peuvent résulter de belles ambitions au service de l'art et des autres. N'est-ce pas ainsi qu'une génération transmet le témoin à la suivante?

 

La littérature au coeur du débat
La littérature au coeur du débat

Dans les différentes activités de l'Atelier Imaginaire, l'opération "2000 jeunes pour l'an 2000" revêt un caractère particulier. Pouvez-vous nous l'expliquer et préciser la finalité de cette réalisation?

     Cette opération consiste à inviter l'ensemble des lauréats du Concours général des lycées durant les cinq Journées magiques qui prolongent la Décade proprement dite et qui, je le rappelle, sont ouvertes au public. Une centaine de jeunes honore l'invitation. Toutes les disciplines sont représentées, toutes les régions de France aussi, et plusieurs nationalités; cette année, il y avait entre autres trois Espagnols, une Polonaise, une Russe, un Italien, une Marocaine…Logeant dans le même hôtel que les écrivains et artistes associés aux travaux de l'Atelier Imaginaire, ces jeunes gens empruntent les mêmes moyens de transport pour assister tous ensemble aux mêmes spectacles et, in fine, à la remise des prix au terme de laquelle les ouvrages couronnés leur sont offert par les lauréats respectifs. Ces jeunes nouent des amitiés pour la vie, parfois avec les auteurs eux-mêmes avec lesquels ils se mettent à entretenir une correspondance régulière. De ce point de vue l'opération est une réussite totale. J'invite aussi tous ces jeunes gens à créer leur "atelier imaginaire", à "mettre un rêve dans leur vie, et à souffler dans les voiles", à propager le feu sacré, à mettre leur talent, leur générosité et leur enthousiasme au service des autres. A savoir attendre aussi pour le faire, à ne pas brûler les étapes. On ne peut aider l'autre que si l'on est fort soi-même, si l'on a accumulé beaucoup d'énergie en amont.

 

Jean Favier, président de l
Jean Favier, président de l'Association des lauréats du Concours général des lycées (1998).

Par vos liens avec de nombreux écrivains francophones, vous avez une vue globale sur cette littérature d'expression française. Comment la jugez-vous?
Est-elle encore créatrice? Est-elle toujours de qualité?
     Bien sûr que cette littérature est encore créatrice et toujours de qualité. A-t-on jamais autant écrit qu'à notre époque? Les éditeurs sont envahis de manuscrits, et ces éditeurs n'ont jamais été aussi nombreux. De même, il existe près de deux cents magazines et revues littéraires qui participent à la dynamique et témoignent de cette extraordinaire vitalité. J'entends bien qu'il ne faut pas confondre quantité et qualité. S'agissant de cette dernière, il est clair qu'elle n'est pas toujours au rendez-vous, loin s'en faut d'ailleurs. Doit-on pour autant décrier l'ensemble? Cela dit, je ne suis pas sûr que les ouvrages qui sont encensés aujourd'hui le seront demain. A son époque Paul Bourget était un maître. Qui le lit encore? C'est un bon écrivain cependant, mais la postérité a fait d'autres choix. La société change. Stendhal, guère lu en son temps, est désormais un auteur incontournable comme on dit en cette fin de millénaire. Peut-être même existe-t-il en ce moment un Homère français, parfaitement inconnu, qui, jour après jour, travaille à son grand œuvre et se moque royalement d'être publié de son vivant et de parler de son livre à la télévision. On peut écrire tout simplement pour l'Humanité, pour contribuer de façon puissante à l'édification morale et intellectuelle des hommes. Toute grande aventure spirituelle est unique. Laissons donc faire le temps. Ce sont les générations suivantes qui dresseront le bilan.

N'y a-t-il pas une plus grande dynamique créatrice hors de l'Hexagone?

     C'est ce que pensent certains. Mais qui peut l'affirmer vraiment? Où sont les preuves? Des indices et des impressions ne sauraient entraîner une conviction. Il faudrait plusieurs chargés de mission pour faire le tour de la question et tenter de donner une vraie réponse. Mais je ne suis pas sûr qu'un Livre blanc bourré de chiffres et de statistiques, confirmant ou non l'hypothèse, prouverait quoi que ce soit. Bien sûr, il est clair que la Francophonie, cette mosaïque de francophonies, doit beaucoup au créole, à la négritude, à l'Afrique du nord, à l'Orient, à nos "cousins" du Québec, aux saveurs et aux couleurs de la Suisse, de la Belgique ou du Luxembourg. Peut-on oublier le souffle et l'inspiration de Césaire, de Senghor, de Tchicaya U Tam'si, d'Edouard Glissant, de Patrick Chamoiseau, d'Antonine Maillet? Que de noms me viennent à l'esprit en fait. Cet apport j'ai d'ailleurs tenu à le saluer en faisant en sorte que mes jurys ne soient pas monocordes, issus d'un seul cœur, d'un périmètre circonscrit au Quartier Latin. S'il est vrai que notre littérature hexagonale se complaît par trop dans le narcissisme, le morbide et le macabre, il n'en demeure pas moins que, pour l'essentiel, la grande littérature française continue à s'écrire, se publier et se lire dans l'Hexagone. Récemment le grand écrivain algérien Rachid Boudjedra me disait son admiration pour nombre de nos auteurs établis à Paris ou en province. Pour lui, la source et l'avenir de la langue française se trouvent là. Je me retrancherai derrière cet avis autorisé. Mais, je le sais, le débat n'est pas clos pour autant.

 


"La Francophonie, notre patrie commune" : Guy Rouquet, Tchicaya U Tam'si, Tahar Ben Jelloun (1985)

Revenons à l'Atelier Imaginaire et aux prix Prométhée et Max-Pol Fouchet? Comment voyez-vous l'avenir de l'association? Et quelle est votre ambition pour les deux prix?

     L'édification de l'Atelier Imaginaire ne sera jamais achevée. Il faut qu'il en soit ainsi d'ailleurs. Il faut que la perspective reste ouverte et qu'il y ait toujours une nouvelle pierre invisible à poser, une nouvelle porte ou fenêtre sur le rêve à ouvrir. Maintenant que les Prix, la Décade, les Journées magiques, existent bel et bien, que les pouvoirs publics considèrent également que l'association mérite d'avoir les moyens de son ambition, que la presse régionale accompagne les initiatives prises, mon souci est de construire une équipe, de gagner en efficacité à tous les stades de nos réalisations, d'accroître considérablement le nombre des adhérents, de faire des locaux dont nous disposons désormais à Lourdes un lieu de rencontres permanent pour lire, échanger, créer et rêver ensemble, de maîtriser l'outil informatique, de faire en sorte que le site Internet, pleinement opérationnel à compter de ce mois de janvier, soit sans cesse dynamisé et enrichi, consolide les liens existant entre les milliers de lecteurs et sympathisants intéressés par le travail de l'association, retienne un nombre croissant d'internautes, ces visiteurs clandestins. L'avenir des prix? Qu'il s'écrive dans le sillage fertile et lumineux qui ont établi leur renommée. Puisse-t-il préserver leur pureté originelle! Ce sont eux l'alpha et l'oméga de l'entreprise. Le moment venu, lorsque je remettrai le flambeau à mon successeur et à l'équipe qui l'entourera, j'espère que le passage de témoin se fera en douceur. J'y songe, je m'y prépare et, d'ores et déjà, j'ai pris des mesures pour assurer la pérennité de l'entreprise. La mise en place structurelle est pratiquement terminée. Des hommes et femmes qui avaient mon âge lorsque j'ai "risqué l'aventure" prendront la relève. L'Atelier Imaginaire leur propose un beau défi, un idéal magnifique. Mes amis et moi-même nous préparons à les accueillir.

 


"A l'aube de l'an 2000, l'Atelier Imaginaire propose un idéal magnifique"

Vingt-cinq ans de travaux ininterrompus pour édifier l'Atelier Imaginaire doivent laisser bien des souvenirs. les uns heureux, d'autres très amers. Quelle a été votre plus grande joie? Votre plus grande déception?

     Il me faudra plusieurs vies pour épuiser les souvenirs accumulés durant toutes ces années. Mais s'il en est un à privilégier c'est sans nul doute celui qui a été à l'origine de "l'aventure" et est venu infléchir mon destin. Le 19 octobre 1974 Max-Pol Fouchet est venu à ma rencontre. Sa gloire était immense, et j'étais inconnu. Ma richesse se réduisait à un rêve. C'était bien peu. En prenant la parole ce jour-là, il a fait basculer mon horizon, affermi mes intentions, creusé le ciel pour reprendre une expression baudelairienne. Mais j'aurais besoin de nombreuses heures pour dire ce que l'Atelier Imaginaire doit à cette journée. Ma plus grande déception? C'est la dernière, mais je crois qu'il en est toujours ainsi pour les hommes. Aussi ne présente-t-elle guère d'intérêt. Si je prends du recul ou un peu de hauteur, je dirai qu'elle réside dans cette capacité que trop de gens manifestent à instruire des procès d'intention, à chercher d'autres motivations que celles qui sont avouées, à s'obstiner à ne pas comprendre non plus la place essentielle que le geste gratuit, au service de la beauté, peut tenir dans la vie. Mais, à la réflexion, je savais déjà cela à vingt ans. Voilà qui ne m'a pas empêché d'entreprendre, et j'en suis heureux. En labourant la mer, j'ai trouvé quelques morceaux d'étoile dont de multiples visages me renvoient la lumière. Cette reconnaissance justifie bien des efforts.

 

Christian Moncelet présente ses
Christian Moncelet présente ses "insolivres".

Comment composez-vous les jurys?

     C'est le fruit d'une lente maturation. Il m'importe que les jurés soient non seulement des écrivains que j'estime mais aussi des hommes et des femmes à la compagnie agréable ayant adhéré à l'ensemble de mon projet et de mes initiatives. Aucune complaisance dans ce choix : tout juré doit lire les manuscrits soumis à son appréciation par le jury régional. La contrainte est réelle. Il faut délibérer, justifier sa préférence, établir une fiche de lecture. Il faut aussi venir à Lourdes pour la remise des prix et participer de façon active aux Journées magiques. A partir de ces données de base, je ne cesse de surveiller la composition de mes jurys, de l'affiner. Je veux des écrivains appartenant à diverses générations, provenant de milieux différents, défendant et illustrant la langue française sous toutes les latitudes. Je veille à ce que la part des auteurs vivant ou ayant vécu longtemps en dehors de l'Hexagone soit significative, que les jurys soient vraiment internationaux. Enfin je demeure toujours très attentif à la représentation féminine au sein de chaque jury. De ces équilibres multiples résultent aussi la force et l'originalité de l'Atelier Imaginaire.


(1) Atlantica magazine - (18, rue de Folin - 64200 Biarritz - Tél. +33 559 438 035; Fax +33 559 438 041).


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