PRÉSENCE DE MAX-POL FOUCHET |
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"Max-Pol Fouchet est au coeur de l'initiative de l'Atelier Imaginaire. Alors que j'étais un parfait inconnu, il vint à ma rencontre, répondant à "l'appel" du jeune homme qui osait "risquer l'aventure" au pied des Pyrénées. Son expérience et son prestige étaient immenses, et moi j'avais tout à prouver. La lettre dans laquelle je le sollicitais l'avait ému: "compagnon invisible", je marchais dans la même direction que lui; le feu sacré de Prométhée nous éclairait. Je n'ai eu de cesse de ne pas décevoir son attente." Guy Rouquet
Max-Pol Fouchet est né le dimanche 1er mai 1913, à midi, Place de la République à Saint-Vaast-La-Hougue, petit port du Cotentin. Baptisé laïquement sur le voilier Liberté, d'une goutte de calvados sur les lèvres, à mi-chemin entre la France et l'Angleterre, pays de la Déclaration des Droits de l'Homme et de la Grande Charte, il repose depuis août 1980 à Vézelay où sa tombe est orientée de telle sorte qu'elle permette aux visiteurs d'avoir sous les yeux un magnifique paysage. Il vécut en Algérie de 1933 à 1945 où il créa "Fontaine" (1939-1948) qui, pendant, la Seconde Guerre Mondiale fut la "revue de la Résistance en pleine lumière". "Professeur d'enthousiasme", "aventurier de l'esprit", "marié à la poésie", cet ami d'Albert Camus, d'Emmanuel Mounier, de Paul Eluard, de Georges-Emmanuel Clancier, fut romancier - "La Rencontre de Santa Cruz" (Grasset, 1976) -, essayiste, critique littéraire, historien de l'art, ethnologue mais d'abord et surtout homme de communication : à la radio où il anima "Le Journal d'un écrivain" (1968-1970) et à la télévision où il réalisa "Lectures pour tous" (1953-1968) avec Pierre Desgraupes et Pierre Dumayet, puis "Terre des Arts", "les Impressionnistes"… Récits et nouvelles parus aux Editions Grasset : "Les Evidences secrètes" (1972), "La Relevée des herbes" (1980), "Histoires pour dire autre chose" (1980). En collaboration avec Alain Mermoud "Fontaines de mes jours" (Stock, 1979). L'essentiel de l'œuvre poétique a été rassemblé sous le titre "Demeure le secret" en 1985 (Actes Sud). Le Bureau de Vézelay
"Jamais ne me quitta l'adolescent que je fus. Eclairé par l'exemple simple d'un père qui sut mourir, après les souffrances d'une blessure de guerre, sans haine contre l'ennemi, j'épousai les trois sœurs Liberté, Egalité, Fraternité. Pour servante je leur donnai la solitude; pour fêtes, celles des peuples libérés. Je raconterai donc ce que faut notre union. Elles m'approuvèrent quand je me fixais pour but de connaître l'homme, et choisissais, pour moyen de l'atteindre, la Poésie." (Fontaines de mes jours, Stock, 1979)
"Si je ne vivais pas en France, j'aimerais être mexicain. Vivre au Mexique en tout cas. Le pays est beau, chacun le sait, son archéologie m'a passionné, mais c'est aussi que je trouve chez l'homme mexicain deux composantes qui dialoguent sans cesse, et parfois de façon tragique, mais qui sont extraordinaires : le sens de la vie, le sens de la fête, de cette fiesta qui s'exprime par des cris, des clameurs, des coups de pistolet en l'air… et puis le sens de la mort. On tue facilement, on se fait tuer assez facilement. La mort est constamment là, comme ce petit piment qu'on appelle au Mexique le chili, que l'on met dans le riz, et que moi je mange cru, sans broncher… La mort est le piment de la vie. Si la vie risque de devenir fade à certains, il faut penser tout simplement à ce piment qui s'appelle la mort…" (Radioscopie, 5 mai 1971)
"La poésie ne supporte pas le manichéisme. Il n'y a pas la grande et la petite. La bonne et la médiocre. Ce serait trop simple. Je préfère la poésie de connaissance, la découvreuse d'Amériques en nous, l'éclaireuse de notre nuit, celle de la pêche hauturière, de la pleine mer comme des fonds obscurs, où vivent des créatures dont les antennes remplacent les yeux devenus inutiles dans l'obscurité et des plantes ébouriffées qui semblent appartenir au règne animal… Oui, je préfère cette poésie; mais l'autre, je ne la méprise d'aucune façon, je l'aime aussi, d'un amour différent, comme je préfère Giotto ou Rembrandt, sans fermer les yeux devant Sassetta ou Fra Angelico, au contraire! Il faut se méfier, penser à ces fosses creuser par les chasseurs, et recouvertes de terre et d'herbes. Quand tu passes dessus, leur surface cède, tu tombes, tu es pris. la profondeur se cache parfois sous des branchages".(Fontaines de mes jours, Stock, 1979)
Le discours de Max-Pol Fouchet
Le 20 octobre 1974, à Lourdes, à l'issue de la proclamation officielle des résultats du premier prix Prométhée, Max-Pol Fouchet détermina Guy Rouquet à aller jusqu'au bout de son rêve en faisant la déclaration publique suivante: "Ce qui s'est passé à Lourdes en octobre 1974 est très important. Je ne le dis pas à la légère ni pour remercier le Grenier (1) d'un accueil inoubliable. Je le dis parce que c'est un fait. Il est très important que dans une époque comme la nôtre, nous ne nous laissions pas aller, les uns les autres, trop facilement aux sirènes appelantes des mass media. Il est très important qu'en ce temps-là un homme jeune décide une action culturelle qui nous recentre, qui nous ramène à l'essentiel, c'est-à-dire, à l'écrit, alors que nous sommes séduits par le dévergondage des images. Quand j'ai reçu la première lettre de notre ami Guy Rouquet, j'ai été, comme mes camarades du Jury National, stupéfait et enthousiaste (...) Du fait que ce prix Prométhée devait être décerné à Lourdes, l'ancien provincial que je suis se réjouissait parce qu'une forte chiquenaude était donnée à l'impérialisme culturel, au centralisme intellectuel de Paris. Et chaque fois que cela se produit, c'est pour moi un plaisir. Il faut que la France se manifeste comme un ensemble de foyers, et qu'elle cesse de regarder toujours vers la Capitale comme le centre même de son âme, ce qui est un erreur. (...) Il se trouve que je fais partie de neuf jurys. Chaque année, je me jure de donner ma démission. Si j'ai cette intention, même pour les deux plus sérieux, le Prix Renaudot et le Grand Prix National des Lettres, c'est parce que je ne suis pas toujours convaincu que l'on puisse juger en toute connaissance de cause, en toute équité. Or, lorsque j'ai reçu les manuscrits, transmis par mon ami Guy Rouquet, ils étaient accompagnés d'une fiche recto-verso avec des questions qui nous corsetaient (...) Il fallait chaque fois porter une note et justifier son jugement. Je me suis permis de montrer ces fiches aux membres du Jury Renaudot ; ils ont levé les bras au ciel, tous pleins d'admiration et de terreur. J'ai rempli une fiche et je me suis aperçu que Guy Rouquet avait inventé le véritable jury littéraire.Tout jury littéraire devrait commencer par un examen de conscience des jurés eux-mêmes. C'est la première fois que, dans ma carrière de juré, je me trouve dans cette situation à la fois contraignante et libérante ! (...) Si l'on me demandait maintenant : quel est votre souhait ? Je dirais d'abord , c'est de me retrouver dans ce jury aussi longtemps que possible, tous les ans, avec Guy Rouquet et tous les amis du Grenier, à Lourdes.; ensuite, ce serait que ce Prix, aujourd'hui décerné, prenne en France toute l'ampleur qu'il mérite. Il faut soutenir Guy Rouquet et ses amis. Il faut les aider, mais non seulement par de bonnes paroles, ce serait trop facile. Eux ne se sont pas contentés de bonnes paroles : ils ont travaillé. Un prix comme celui-ci demande non seulement du temps, mais aussi de l'argent. Il faut donc que vous les aidiez si vous voulez que demain on puisse ajouter à la gloire de Lourdes cette gloire supplémentaire : la capitale d'un Prix littéraire donné à des manuscrits, c'est-à-dire hors de toute combines d'édition ou d'écrivains. Il faut que vous sentiez que quelque chose de grand est né. Il faut que les pouvoirs publics de cette ville aident profondément et matériellement une tentative de ce genre. Car si elle mourait, ce ne serait pas la faute de Guy Rouquet et de ses amis, ce serait votre faute, et ce ne serait pas seulement Lourdes qui en souffrirait, mais la littérature et la vie intellectuelle française."
(1) Il s'agit du Grenier des Arts et Loisirs de Lourdes que présidait alors Guy Rouquet. L'expression "Atelier Imaginaire" a été inventée en 1975, l'association du même nom en 1980.
Le discours de Max-Pol Fouchet 20 octobre 1974, Lourdes
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Sur Max-Pol Fouchet, on consultera notamment :
· "Max-Pol Fouchet", par Jean Queval (Seghers, coll. "Poètes d'aujourd'hui", 1969).
· "Les Voies de l'écriture" (Marguerite Duras, François Nourissier, José Cabanis, Pierre Gascar, Yves Berger, Max-Pol Fouchet), par Hubert Nyssen (Mercure de France, 1969).
· "Dictionnaire de littérature française contemporaine", par Claude Bonnefoy, Tony Cartano, Daniel Oster (Delarge, Paris, 1977).
· "Le Monde de Max-Pol Fouchet", catalogue de l'exposition consacrée à l'auteur par la bibliothèque municipale de Vichy (1976). Etabli par Monique Kuntz, il comporte une biographie et une bibliographie complètes.
"Max-Pol Fouchet ou le Passeur de rêves", sous la conduite de Guy Rouquet, avec les contributions originales deOlympia Alberti - José Artur - Marie-Claire Bancquart Yves Berger - Jean Bertho - Rachid Boudjedra - Jacques Brachet - André Brincourt - Eric Brogniet - Jacques Chancel -Edmond Charlot - Andrée Chedid - Georges-Emmanuel Clancier - Pierre Dumayet - Julien Gracq - Marcel Jullian Ladislas Kijno - Jean Lacouture - Charles Le Quintrec Hubert Nyssen - René de Obaldia - Jean Orizet - André Parinaud - Patrick Poivre d'Arvor - Jean Roire - Guy Rouquet - Jules Roy - Claude Santelli - Henri Zerdoun (Le Castor Astral, 2000). |
L'Atelier Imaginaire recommande d'écouter : Fontaine, une source de la résistance poétique (avec le poète Georges-Emmanuel Clancier) En avril 1939, la revue Mithra devient Fontaine, placée, depuis Alger, sous la direction de Max-Pol Fouchet. « Sonne l'heure de la poésie, quand sonne l'heure du mensonge », se positionne, d'emblée, l'écrivain. Un superbe documentaire de Stéphane Bonnefoi, réalisé par Séverine Cassar. Émission de France Culture du 10 janvier 2012 (Poésie et Histoire). http://www.franceculture.fr/emission-la-fabrique-de-l-histoire-poesie-et-histoire-24-2012-01-10
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