Les écrivains de l'Atelier Imaginaire

Photo de Yves BERGER Yves BERGER

Qualité : Auteur fondateur historique
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Né en Avignon en 1934, décédé le 16 novembre 2004 à Paris. Fils de transporteur routier (détail qui a son importance : ses livres sont pleins de l'amour du voyage). Etudes secondaires au lycée Frédéric Mistral d'Avignon; supérieures à Montpellier puis à Paris. Après avoir enseigné l’anglais aux lycées Pasteur de Neuilly et Lakanal à Sceaux, entre, en 1960, aux Editions Bernard Grasset, dont il sera le directeur littéraire jusqu’en l’an 2000.

Dès l’enfance, les lectures de Jack London et de Fenimore Cooper le marquent à jamais.   Et durant toute son existence, il sera fasciné par les minorités nord-américaines. On lui doit la révélation, en France, de la Québécoise Marie-Claire Blais et de l'Acadienne Antonine Maillet, qu'il a préfacées. Comme il a préfacé Enterre mon cœur à Wounded Knee, de Dee Brown (le livre qui a éveillé les Français aux Indiens), Peau-Rouge, du Sioux Vine Deloria, le Voyage en terre indienne de T.C. McLuhan et, en 1993, La Maison de l'Aube de l'Indien Kiowa Scott Momaday, le plus grand écrivain indien de sa génération, selon lui. Rêve et travail se confondent dans une même quête passionnée de l'Indien, de l'indianité et des "Indes". 

Au fameux "Questionnaires de Marcel Proust", et à la demande « Quels sont vos héros préférés? », il a répondu : Christophe Colomb, Sacajawea ("la femme-oiseau" des Soshones), Tecumseh (patriote Shawnee), Chief-Joseph (le stratège génial des Nez-Percés), Scarlett O'Hara, le général sudiste Lee et Gutenberg. Les Indiens, le Sud de tous les mythes et l'écriture en quelque sorte confondus. 

Les Indiens des Plaines (Dakota du Nord, Dakota du Sud, Nebraska, Kansas et Oklahoma : le pays du bison noir, hier), la genèse du rêve américain, le Nouveau monde et plus précisément encore le Nouveau nouveau monde furent pour lui des sources d’inspiration et de réflexion permanentes.   

Membre du jury international du prix de poésie Max-Pol Fouchet depuis sa création en 1982, membre du Conseil Supérieur de la Langue française depuis 1994, il fut nommé en 1996, sur recommandation du Ministre de la Culture au Premier Ministre, Président de l'Observatoire National de langue française, organisme aujourd’hui dissout, puis en octobre 2003 vice-président du Conseil supérieur de la langue française. En avril 2004, il fut élu par l'Académie royale de langue et de littérature française de Belgique pour occuper le siège d’un autre « compagnon de songes » de l’Atelier Imaginaire, Robert Mallet, décédé le 4 décembre 2002.

Autres distinctions : prix littéraire Prince Pierre de Monaco pour l'ensemble de son œuvre (1987), Prix de la langue de France (1990), Grand prix de la Ville de Paris (2000)

Cf. en bas de page la notice biographique rédigée en 1988, et revue en 2003, par Yves Berger pour le Dictionnaire des écrivains contemporains de langue française. 

 

Pour en savoir davantage : 
http://www.mairie17.paris.fr/mairie17/jsp/site/Portal.jsp?page_id=970                     

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

ROMANS

(tous édités chez Grasset)

 

Le Sud (1962, prix Femina)

Le fou d'Amérique (1976)

Les matins du Nouveau Monde (1987)

La pierre et la saguaro (1990, Prix de la Langue française)

L'attrapeur d'ombres (1992)

Immobile dans le courant du fleuve (1994, prix Médicis)

Le monde après la pluie (1998)

Santa Fé (2000)

 

ESSAIS

 

Boris Pasternak, Seghers (1967)

Que peut la littérature ?, ouvrage collectif, 10/18 (1965)

Dictionnaire amoureux des États-Unis, Plon

(Prix Renaudot de l'essai en 2003)

 

 

ALBUMS

 

América, éditions André Barret

Les lubérons (photo de Martine Franck), éditions du Chêne

Les indiens des plaines, (coauteur Daniel Dubois), Dargaud

La Nouvelle-Orléans, éditions du Pacifique

La Galerie indienne du fou d'Amérique

(lithographie originale de Pierre Cayol, Alain Barthélemy, Avignon

Louisiane: Entre ciel et terre (photos de Marc Garanger),

Kodak et Contre-Jour

L'Ouest sauvage (pour le texte littéraire), Denoël

Cow-boys, Mythe et réalité (photos de Claude Poulet),

éditions du Chêne

 

 

 

« Le pouvoir magique des mots... Yves Berger y croit depuis son enfance dans Avignon bombardé, confronté trop tôt à la faim, à la mort "injuste" de sa grand-mère et de sa mère, à l'absence du père, chauffeur routier. Les mots pour panser les blessures, s'enivrer dans le plus-que-parfait du subjonctif et s'oublier dans les images. Des mots qu'il énumère comme un enfant, qu'il polit comme un artisan, fou amoureux d'une langue française dont il se fait le chantre urbi et orbi. » Marianne Payot (Lire, 1998) 

« Gaston Bachelard affirmait que les mots ont besoin d'un berger. Ce sera Yves. Dans la vie, le directeur littéraire de la maison Grasset aime compter ses amis et ses victoires. Dans ses livres, il jouit de faire danser les mots, à l'exception de ceux qui comptent plus de trois syllabes et des adverbes, ces "chenilles de la phrase" - veillons à n'en employer aucun. » Gandillot Thierry (L’Express, 1998)

 

« Quel écrivain est Berger? Un inventeur de fables, un obsessionnel, un grammairien, un isolé. Isolé parce qu'il est à peu près seul de son espèce (seul Tournier pourrait être considéré comme un lointain cousin). La première fois qu'il est allé à New York, Berger a oublié de lever les yeux, de sorte qu'il n'a pas vu la Ville des Villes. Je crois que la réalité, souvent, le dérange, qui le distrait de ses rêves. Berger n'est pas le produit d'une forcerie intellectuelle (Normale, Ena), ni d'un laboratoire de terrorisme intellectuel, ni d'une officine idéologique - il est le fruit d'une longue autofabrication. Autodidacte? Non, car il a eu des maîtres et les vénère, mais il a mis seul au point la formule selon laquelle les influences, en lui, se sont combinées. Il avait inventé et s'était offert l'Amérique indienne avant que de s'y rendre. Il a, après coup, travaillé moins à faire coïncider l'Amérique vécue et l'Amérique rêvée qu'à compléter, à magnifier, à fertiliser l'invention à partir de données réelles. Il a de la même façon composé son style à sa seule convenance : la préoccupation langagière de Jean Paulhan, sa ponctuation vétilleuse, sa phrase parfois acrobatique ont été amalgamées au fond musical que fournissait à Berger son accent provençal. Lisez à haute voix cette prose singulière, lisez-la avec l'accent : vous en découvrirez aussitôt un des secrets - celui de son rythme - comme on en découvre un, sur l'art d'Albert Cohen, en lisant avec l'accent- belge les dialogues d'Adrien Dheume et de sa mère au début de Belle du Seigneur. » François Nourissier,Le Point.

 

 

« Yves Berger était un homme de cœur, d'une générosité juvénile, comme s'il était resté à tout jamais un enfant d'Avignon, toujours prêt à aimer, à soutenir les autres, et d'abord les autres auteurs, à les éclairer, à les stimuler, par sa faconde, son esprit enthousiaste et sa passion pour la littérature.
Il était un magnifique écrivain, consacrant des livres admirables à l'Amérique dont il connaissait le moindre paysage, la moindre couleur, le moindre ciel ; l'Ouest, le bel Ouest aura été pour lui, toute sa vie, "la projection du désir de paradis que chacun porte en soi". Il aimait plus que tout la langue française. Il en était à la fois le pionnier et l'archiviste. Il entendait la défendre, comme vice-président du conseil supérieur de la langue française, sans faiblesse et sans passéisme. Il manquera à notre langue, à nos lettres, à notre culture. » Renaud Donnedieu de Vabres, 16 novembre 2004. 

 

     

 « J'ai été long à comprendre que mon véritable sujet, c'est le temps. Mon véritable ennemi, c'est le temps qui dégrade tout, décompose tout. D'où l'écriture qui, par définition, se dresse contre le réel. » Yves BERGER

« Qu'il choisisse l'imaginaire ou que l'imaginaire le choisisse,c'est toujours contre le réel que l'écrivain travaille et de  façon à l'oublier. » Yves Berger (Que peut la littérature?)

« La littérature et la vie ne font pas bon ménage : comment le pourraient-elles alors que la première tourne le dos à l'autre ?... Pour moi, tous les livres, même les plus noirs, sont des livres paradisiaques. Des livres hors la vie, où rêver... » (id)

 

« Les Français parlent une langue tellement ébranlée, infiltrée, disloquée et, pour tout dire, par l'anglo-américain nécrosée, qu'ils ne s'en rendent pas compte, comme si le pidgin - ou le babélien d'Etiemble - leur était devenu naturel ». Y. B (Nice-Matin)

« Les ravages que provoque l'anglo-américain sur la langue française, les Américains n'y sont pour rien : on ne saurait reprocher à une équipe adverse de marquer des points, il revient à l'équipe affaiblie et assaillie d'organiser sa défense puis la riposte. » Y.B (id)

 

 

YVES BERGER PAR LUI-MÊME

 

Notice biographique rédigée en 1988, et revue en 2003, par Yves Berger pour leDictionnaire des écrivains contemporains de langue française, sous la direction de Jérôme Garcin, éd. Mille et une nuits, 2004.

 

"UNE PETITE VILLE dans le sud de la France, l'occupation ennemie, la révélation dans l'enfance de la faim et de la mort, si tant est que la vie explique l'œuvre on ne s'étonnera pas qu'Yves Berger ait trouvé dans le Nouveau Monde l'antidote aux malheurs qui frappaient alors une vieille Europe à l'agonie. Amérique, mot de magie. Les grands espaces contre la petite ville, l'espoir d'une libération, qui sera la Libération, l'attente fiévreuse et patiente du débarquement, de cent débarquements (dans l'ordre, l'africain, l'italien, le normand, le provençal) et, avec eux, le bonheur et la liberté retrouvés, quel enfant n'identifierait pas l'Amérique septentrionale d'où surgirent les G. I. 's à un rêve de paradis ?

Ce rêve court dans Le Sud, Le Fou d'Amérique, Les Matins du Nouveau Monde, Immobile dans le courant du fleuve, Le Monde après la pluie... Parce que la vraie vie n'est pas de ce monde et que de la vraie vie il a besoin, Yves Berger, écrivain visionnaire, la voit sur le continent fabuleux où elle eût pu le mieux s'accomplir et où il lui arrive de croire qu'elle s'est établie. Avec ce qui la fonde : l'éternité. (Ce fou d'Amérique s'y entend comme pas un pour solliciter les textes qui, par milliers, disent l'émerveillement et la foi des Européens au fil de trois siècles et demi de découvertes.)

Le Sud raconte l'histoire d'un adolescent que son père, dans le sud de la France en 1960, essaye d'élever comme s'ils vivaient tous deux en Virginie vers 1848 : dès ce premier roman, le rêve d'un autre monde et déjà par l'Amérique le temps aboli dans le retour en arrière. Le Fou d'Amérique rapporte la tentative que fait un couple pour infléchir l'Histoire passée (et donc morte) de telle sorte qu'elle échappe aux larmes, au sang, à la tragédie où même en Amérique elle verse. Les Matins du Nouveau Monde décrit la genèse du rêve obsessionnel et fondateur de l'œuvre. Immobile dans le courant du fleuve évoque la vie d'un homme et d'une femme dans le paradis terrestre qu'ils ont trouvé - et comment ils finirent. Dans Le Monde après la pluie, la fin du monde vient de se produire et, des six milliards d'individus aujourd'hui sur la planète Terre, Yves Berger n'en sauve que six qui, avec un koala, seul rescapé du monde animal, marchent vers le Nouveau Nouveau Monde. Santa Fé, le roman le plus récent, promène un couple le long de la fameuse route 66, de Chicago à Santa Fé.

Là-dedans (nous voulons dire : dans le rêve américain), quelle est la part du langage ? Essentielle. Les mots sont l'abstraction la plus proche de l'éternité, la plus forte à lutter contre le temps qui passe, la plus accrochée à la durée (les mots ne meurent jamais et l'espoir de vie d'un livre est immense...) à telle enseigne que l'idéal de vie d'Yves Berger serait d'être un mot dans un dictionnaire... Parce que le destin a fait de lui un être et non pas un vocable, il erre en Amérique du Nord, qui par sa démesure, ses beautés, son histoire est la mieux à même de toucher le cœur des enfants et celui des écrivains inconsolables à l'idée de ne pas vraiment vivre et de mourir pour de bon.

Yves Berger aura passé toute sa vie sans jamais se faire à l'idée du trépas. Il le trouvait injuste. Inique. Son œuvre milite contre la peine de mort : celle qui frappe, sans jugement, sans appel et par l'arbitraire du seul destin, la condition humaine tout entière.

Dans une prose lyrique, incantatoire, où il espère que la postérité entendra souffler le vent, piétiner le troupeau mort des bisons, résonner le tambour indien, prose musicienne comme grive, Yves Berger dit le chant du monde. Reste à savoir lequel."

 

 

Radioscopie du 26 avril 1976 (France Inter)  - Jacques CHANCEL s'entretient avec Yves BERGER à l’occasion de la parution de son livre Le Fou d'Amérique. Sont évoqués sa passion pour l'Amérique du Nord du 19ème siècle, ses voyages aux Etats-Unis (son premier en 1963), le sentiment d'espace qu'on ressent sur place, le massacre des Indiens, le fantasme de l'Amérique pour les hommes de sa génération, son sentiment double pour Christophe COLOMB, sa pensée sur la mort, ce qu'il ferait s'il était Dieu, mais aussi son travail d'écriture, les écrivains dont il se sent proche, sa nostalgie pour l'Amérique précoloniale, ses projets. 

http://www.ina.fr/audio/PHD99227924